Chiloe, la deuxième plus grande île d’Amérique du Sud

L’archipel de Chiloé est une terre pleine de charme de coutumes particulières. Il se situe au sein de la région des Grands Lacs au sud du Chili, et sa capitale est Castro. Il comprend également une quarantaine de petites îles et îlots. L’archipel a une superficie de 9181 kilomètres carrés et une population d’environ 160.000 personnes.

Chiloé est une transformation de Chilhué, l’adaptation espagnole du terme chillwe, qui est un mot Mapudungun, la langue des Mapuches, et signifie « lieu de Chelles ». Les chelles sont des oiseaux blancs à tête noire, très communs sur les plages de l’archipel, semblable aux sternes de chez nous.

L’île de Chiloé est principalement connue pour ses palafitos, des maisons colorées construites sur pilotis, principalement présentes dans la ville de Castro ; et pour ses nombreuses églises, seize au total, toutes construites en bois entre les XVIIIe et XIXe siècles. Ces dernières représentent un héritage unique de l’architecture religieuse caractéristique de l’Amérique latine et sont inscrites au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2009. L’architecture de l’île de Chiloé mêle influence européenne, allemande en particulier, et matériaux et décoration typiques de la région, pour le plus grand plaisir des yeux.

L’un des attraits principaux de l’archipel de Chiloé, en plus de sa beauté naturelle indéniable, est son patrimoine culturel que ses habitants ont construit au fil du temps. Entre mythes et légendes, il est marqué par l’héritage indigène autant qu’hispanique. Cependant, au contraire du continent, son insularité lui a permis de rester plus hermétique aux tentatives conquérantes des espagnols et les traditions indigènes sont encore très présentes.

Ainsi, on peut se rendre compte du grand développement de l’artisanat traditionnel de Chiloé en parcourant les rues de Dalcahue et Achao où il est possible d’acheter des souvenirs.

Les principales fêtes traditionnelles ont généralement lieu au mois de février, elles se déroulent dans presque toutes les villes de l’île : celles qui se démarquent sont la Fiesta de Castro, qui a accueilli plus de 40 mille personnes en 2012, ainsi que les fêtes traditionnelles de Puqueldón Maja, sur l’île de Lemuy et de Curaco de Velez.

 

Il est aussi possible de visiter le Parc National de Chiloé, dans la partie ouest de la grande île, et le Parc National Tantauco au sud. Vous pourrez ainsi tomber nez à nez avec les renards de Chiloé aussi connus sous le nom de renard Darwin, une espèce endémique découverte par Charles Darwin lui-même lors d’une de ses expéditions sur l’île. Vous pourrez également apercevoir une grande variété d’espèces d’oiseaux et de baleines à bosse, qui font route vers la Patagonie.

LES ÉGLISES DE CHILOÉ, PATRIMOINE DE L’HUMANITÉ

Les églises de Chiloé représentent un remarquable exemple de fusion réussie entre des traditions culturelles européennes et indigènes, qui a porté à la création d’une forme d’architecture en bois tout à fait unique. La culture mestizo , née de l’activité des missionnaires jésuites aux XVIIe et XVIIIe siècles, s’est conservée intacte dans l’archipel de Chiloé ; ses extraordinaires églises en bois en sont l’expression la plus accomplie.

Au cours du XVIe siècle, les habitants de l’archipel de Chiloé, qui s’étend du canal de Chacao au golfe de Corcovado, menaient une vie sédentaire, fondée sur une économie combinant agriculture et pêche. Les navigateurs espagnols ont découvert l’archipel vers le milieu du XVIe siècle, mais sa colonisation n’a débuté qu’en 1567, lorsque Martín Ruiz de Gamboa fonda les villes de Santiago de Castro, de Chacao et de Isla Grande de Chiloé.

Après une visite d’exploration, en 1608, la Société de Jésus commença à envoyer ses membres entreprendre l’action d’évangélisation qui devait forger le faciès culturel de l’archipel. Au départ, ces missions n’étaient pas habitées de manière permanente, mais les Jésuites construisirent progressivement des chapelles et des maisons pour leurs membres, que les communautés locales bâtirent pour eux en utilisant les techniques et les matériaux locaux.

Ils engagèrent des gens du lieu, choisis dans les meilleures familles, les fiscales , qui étaient chargés de veiller sur l’église et son cimetière, et de faire face aux besoins spirituels de base de la communauté. Ils se conformaient ainsi à la tradition jésuite qui encourageait le développement actif de la vie sociale et religieuse par les communautés indigènes. Vers la fin du XIXe siècle, plus d’une centaine d’églises avaient ainsi été bâties, dont cinquante à soixante sont conservées aujourd’hui.

Parmi elles, quatorze forment le bien classé sur la liste du patrimoine mondial : Achao (Quinchao) ; Quinchao ; Castro ; Rilán (Castro) ; Nercón (Castro) ; Aldachildo (Puqueldón) ; Ichuac (Puqueldón) ; Detif (Puqueldón) ; Vilipulli (Chonchi) ; Chonchi ; Tenaún (Quemchi) ; Colo (Quemchi) ; San Juan (Dalcahue).

Les églises traditionnelles de Chiloé se trouvent près du rivage, face à une esplanade qui s’est souvent transformée en une véritable plaza (Achao, Dalcahue), mais qui n’est ailleurs qu’un espace ouvert délimité par des palissades ou par des arbres (Quinchao).

Sa taille est déterminée par l’importance des fêtes religieuses qui s’y déroulaient. Les églises, de vastes dimensions, présentent un toit pointu. Leur caractéristique principale est leur façade principale dotée d’une tour, donnant sur l’esplanade : elle est formée d’un portique d’entrée surmonté, au sommet, par un pignon ou par un fronton, et de la tour proprement dite, qui devint le centre du développement urbain de ces communautés.

Le portique, qui est un trait caractéristique des premières églises, manque dans celles construites au XXe siècle. La tour, structure verticale dominante, est à la fois un élément religieux sur lequel se dresse la croix et un point de référence pour les marins. Beaucoup d’entre elles ont deux ou trois étages, et présentent une forme hexagonale ou octogonale, de manière à réduire leur résistance au vent. Seule celle de Tenaún comporte de petites tours latérales.

Le plan de ces églises varie, mais la profondeur est toujours privilégiée par rapport à la largeur. Elles adoptent le plan basilical à trois nefs, dont seule la principale se prolonge jusqu’au mur postérieur. Les nefs sont séparées les unes des autres par de solides colonnes en bois qui reposent sur des blocs de pierre et soutiennent l’énorme poutre qui forme le faîte du toit.

Dans beaucoup de cas, la nef principale est couverte en berceau, tandis que les nefs latérales présentent des couvertures planes. Achao, avec son plafond segmenté, et Rilán, avec sa voûte en éventail, constituent de rares exceptions. Cette dernière est manifestement influencée par l’architecture gothique, tandis que d’autres présentent des traits empruntés à différents styles architecturaux majeurs – le classicisme à Chonchi, la Renaissance à Nercón et le baroque à Achao.

On trouve partout des preuves de la maîtrise chilote dans le travail du bois. L’aspect de ces églises et les matériaux employés n’ont subi presque aucun changement pendant quatre siècles.

Le décor des églises est riche et varié. Toutes ont été habilement insérées dans leur environnement naturel. Elles sont construites sur des collines, pour éviter d’être inondées pendant les périodes de fortes pluies, et surélevées par rapport au terrain. Leur côté nord est protégé contre les tempêtes, qui viennent généralement de cette direction. Ces structures entièrement fermées offrent un abri contre le vent et la pluie, souvent violents dans cette région.

LES MYTHES CHILOTES

Été comme hiver, Chiloé est marquée par une ambiance humide d’entre terre et mer. Comme la Bretagne, en fait !

Depuis des générations, les Chilotes se sont construits en harmonie et contre ce climat hostile, à l’origine des canaux de Chepu, de la faune et de la flore constituant le Parc National de Chiloé, le Parc Tantauco et le Parc Tepuheico, et de nombreux autres secrets et merveilles de l’archipel.

La plus belle expression de leur stratégie de survie reste les fameux palafitos, maisons en bois sur pilotis, au bord de l’eau, qui leur permettent de vivre en pêchant et de pêcher en vivant.

Mais, à l’instar de la Bretonne, influencée par la civilisation celte, ses druides, ses récits au coin du feu ; l’identité Chilote n’est pas seulement géographique. De cette confrontation permanente avec les éléments sont nés ses nombreux mythes et légendes, en même temps constituants et révélateurs de cette identité.

Inutile d’en faire la liste exhaustive, ils sont légion. Voici cependant notre sélection.

Cai-Cai Vilu et Ten-Ten Vilu

L’histoire de la création de l’archipel chilote.

L’un est le serpent du mal, l’autre du bien. L’un est l’ennemi de la vie terrestre, animale et végétale ; l’autre est la déesse de la terre et de la fécondité. L’un essaie de recouvrir la planète d’eau, l’autre tente de protéger les Chilotes en les aidant à se réfugier dans les hauteurs. Mais les assauts de Cai Cai Vilu se font toujours plus violents, et le niveau de la mer n’arrête pas de monter. Ten Ten Vilu donne alors aux Chilotes le pouvoir de nager et de voler. Voyant que cela ne suffit pas, elle finit par soulever les terres, créant l’Isla Grande et le reste de l’archipel.
C’est ainsi que les Mapuche de Chiloé expliquent pourquoi ils sont plus foncés que d’autres chiliens : parce qu’ils sont plus près du soleil.

El Trauco et La Fiura

La séduction poussée à l’extrême.

Le Trauco et la Fiura sont un couple inhabituel, que pourtant tout rapproche : leur laideur, leur petite taille, leur mauvaise haleine… et paradoxalement leur pouvoir de séduction sur les humains ! Lui, attire les femmes comme des aimants après avoir hanté leurs rêves érotiques, et elle, reste nue pendant des heures, coiffant son abondante chevelure avec son peigne de cristal en attendant que les hommes tombent dans son filet. Lui, est l’excuse parfaite pour les femmes célibataires qui tombent enceintes, et elle, symbolise la perversité féminine par excellence. Dans tous les cas, il ne faut pas les regarder dans les yeux : d’un coup d’oeil, il peut tuer et elle peut rendre fou.

Le Caleuche

Bateau fantôme ?

Fondée sur les nombreux récits de disparitions de bateaux dans toute la Patagonie, la légende du Caleuche varie pourtant beaucoup selon les conteurs. Bateau fantôme, il apparaît surtout les nuits de brume et disparaît avec une grande facilité – parfois en naviguant sous l’eau, parfois en se transformant en tronc d’arbre. On y chante et on y danse, dans le but d’attirer d’autres embarcations et de leur voler leurs marchandises.
Dans l’archipel, il est dit qu’un commercant chilote faisant rapidement fortune a passé un pacte avec les sorciers du Caleuche. Mais les plus prosaïques diront que cette légende sert simplement à couvrir les activités de contrebande qui ont toujours eu cours à Chiloé.

La Pincoya

La sirène chilote.

Femme à la beauté spectaculaire, elle symbolise la fertilité des côtes chilotes et la diversité de sa faune et de sa flore sous-marines. Elle apparaît souvent avec son mari, qui chante et la fait danser frénétiquement. Si elle danse vers la mer, l’année qui arrive sera abondante, si elle danse vers la plage, elle sera marquée par la pénurie.

Si ces premiers mythes vous ont intéressés, jetez un coup d’oeil à ceux du Camahueto, de l’Invunche, du Basilisco et du Caballo Marino !

Chiloé, île de mémoire

Récit sur l’ile de Chiloe

Fjords calmes, églises et maisons en bardeaux, eaux tumultueuses de la côte océane : l’île de Chiloé, au nord de la Patagonie chilienne, rappelle les paysages de la Scandinavie. Mais de solides traditions andines en font un lieu unique.

Trente minutes de navigation suffisent pour traverser le canal de Chacao, ce bras de mer qui sépare Pargua, sur le continent chilien, de Chacao, sur l’île de Chiloé. On y respire un air salé, porté par une brise tiède et légère, insolite sur cette mer tumultueuse. On suit le vol des oiseaux et les apparitions soudaines des phoques, qui semblent nous saluer de leurs têtes tout juste émergées. Cette atmosphère si particulière fait le charme de cette île magique, avec cette particularité, ce quelque chose d’indéfinissable qui transforme certains lieux, les rend uniques. C’est un pays de mémoires, de légendes, à l’identité forte.

Peut-être ce charme tient-il aux éléments constants de cette nature, à ses pluies fréquentes et capricieuses, à ses bourrasques, à son isolement ou aux légendes léguées par les Mapuche Huilliche et par les anciens Chonos, du nom de l’archipel au sud de Chiloé, nomades des mers australes, comme les Alacalufs, survivants, plus au sud.

Une seule route asphaltée traverse l’île ; elle parcourt un paysage vallonné et bucolique, avec ses petites fermes entourées de prairies et de jardins colorés. Profitant de la douceur particulière du climat estival, les roses et les hortensias y connaissent une floraison exceptionnelle. Ce cadre idyllique contraste avec celui, âpre et solitaire, qu’offre la côte Ouest, sur l’océan Pacifique. Là-bas, des eaux turbulentes entourent les îlots inaccessibles où vivent pingouins et lions de mer. A l’est, du golfe d’Ancud à celui de Corcovado, on longe une mer intérieure parsemée d’îles, grandes et petites. Ici, le jeu des marées modifie constamment le paysage, avec ses golfes profonds, ses canaux et ses fjords.

Cette géographie accidentée se prolonge jusqu’à l’extrémité du continent américain, qui se termine en une kyrielle d’archipels. Selon la légende, contée par un vieux pêcheur, elle est le fruit de la lutte entre Coicoi-vilu – le serpent des mers et dieu des océans – contre Tenten-vilu – le serpent des terres et protecteur des hommes. Le déluge, les tremblements de terre, les tempêtes ne prirent fin que lorsque Coicoi-vilu, vaincu, disparut dans les abysses. Ne restèrent du combat que la terre disloquée et les îles éparpillées sur l’océan.

La « Grande Ile » de l’archipel est aussi la plus grande île du Chili. Cette terre de pauvreté et d’immigration ancienne n’a pas subi de grands changements au cours des âges, malgré les nouvelles installations pour l’élevage du saumon qui ont révolutionné son économie. Profondément enracinée dans ses traditions, on la sent qui s’éveille peu à peu. Chaque année l’Encuentro Musicos y Cantores Chilotes réunit les îliens pour une fête de la culture populaire avec ses musiques traditionnelles, ses chants et ses danses, ses plats typiques et son artisanat local.
A la manière des rituels anciens, la fête s’ouvre par une procession accompagnée de chants archaïques au charme insolite. Les gens, habituellement pleins de réserve et de gentillesse, laissent exploser leur joie, devant les étals de nourritures et de friandises. On a allumé les feux de bois pour les brochettes et pour cuire la chochoca – le gâteau de pommes de terre façon chilote -, on a découpé les agneaux et préparé le trou garni de pierres brûlantes pour le curanto – fruits de mer, viandes, poissons, légumes cuits à l’étouffée sous une feuille géante de nalca -, et on presse des pommes dans des pressoirs rudimentaires pour en tirer un jus fermenté, la chiccha de manzana. Au Chili, il n’y a pas de fête sans rodéo : les huasos, les cow-boys chiliens, seigneurs des prairies, dompteurs de chevaux et de taureaux, y font la démonstration de leur dextérité face à un public exalté.

Les églises traditionnelles en bois, revêtues de tôle ondulée – on ne compte pas moins de cent cinquante de ces petits chefs-d’oeuvre de boiserie sur l’archipel – témoignent de la présence des jésuites pendant près de deux siècles. La ville de Castro est fière de son église, qui est classée, en compagnie de treize autres, sur les listes du patrimoine mondial de l’humanité. Revêtue de jaune et de violet, tel un gâteau en pâte d’amandes, elle se dresse au coeur d’une ville animée, dont les maisons traditionnelles, elles aussi en bois et tôle, sont toutes peintes de couleurs vives. La troisième ville du Chili par son ancienneté est également la capitale historique de Chiloé. Ses quartiers de maisons en bois sur pilotis [palafitos] surplombant l’embouchure du río Gamboa et le fjord sont spectaculaires : de véritables petits bourgs sortis intacts d’un pays merveilleux qui sent bon la mer. A marée haute, le spectacle change : les bateaux abandonnés dansent près des maisons sur pilotis qui se reflètent dans l’eau.

En suivant la côte vers le nord, la lumière intense fait vibrer les couleurs des bateaux de pêche et des maisons sur pilotis, ou des autres habitations aux murs de bardeaux en forme d’écailles. Au fond d’un fjord, le village de Dalcahue baigne dans un silence que seuls les oiseaux marins et le transbordeur qui mène à l’île de Quinchao, dans la mer intérieure, viennent briser. Le dimanche, jour de marché, Dalcahue se réveille avec une animation qui tranche sur le train-train paisible des autres jours : les habitants des petites îles alentours viennent vendre leurs produits et les tissus qu’ils ont confectionnés avec leurs meilleures laines.

A peine a-t-on quitté la côte en empruntant un chemin de terre battue que le paysage devient sauvage. On se perd sur des sentiers dans des forêts où les bambous côtoient les feuilles géantes des nalcas. La route qui va de Castro à Cucao, sur la côte Ouest, en passant par Chonchi, longe les lacs de Huilinco et de Cucao, et mène au Parc National de Chiloé, l’un des sites les plus intéressants de l’île. Les lacs coupent Chiloé en deux comme des lames d’eau se frayant une brèche à travers les épaisses forêts. L’un est sombre comme le cobalt, l’autre clair comme le cristal. Arrivés au parc, on traverse une réserve forestière qui a conservé intactes sa flore et sa faune. S’il n’y avait les insectes qui bourdonnent et les parfums de la végétation, on se croirait dans un décor de cinéma. Un réseau de sentiers mène à une haute dune recouverte d’herbe qui tourne le dos à la côte. En continuant, on arrive au lac salé de Cucao, qui s’ouvre sur l’océan. La frontière entre réalité et imagination se fait impalpable dans ce décor naturel insolite. La côte Pacifique est battue par l’océan en furie. A chaque explosion de colère, la mer et ciel se confondent. Le vent violent balaie l’étendue sablonneuse constellée de coquillages blancs. Dans le lointain, des chevaux montés par des Indiens mapuches avancent lentement et s’en vont se perdre dans l’horizon infini…