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Le Nord du Chili est marqué par un fort syncrétisme religieux et culturel entre peuples originaires et espagnols depuis le XVIème siècle.
De nombreuses manifestations culturelles sont le reflet de ce mélange, la fête de la Candelaria à San Pedro de Atacama en est un parfait exemple. Entre folklore et religion, elles sont un régal pour les yeux, les oreilles, et ceux désireux d’approfondir leur connaissance des cultures andines.
La plus grosse célébration de ce type du nord du Chili est la Fiesta de la Tirana. Situé au nord du Salar Pintados, à 72 km d’Iquique et à 1010m d’altitude, normalement habité par seulement quelques centaines d’âmes, il est envahi la deuxième semaine du mois de juillet par des centaines de milliers de pèlerins et de touristes.
La légende
Selon la légende, en 1535, Diego de Almagro débute la conquête du Chili depuis le Pérou à l’aide de troupes indigènes. Pour s’assurer de leur obéissance, il fait prisonniers le prince Inca Huillac Huma et sa fille Ñusta Huillac. Arrivés au Nord du Chili, Ñusta Huillac et les indiens arrivent à s’échapper, et se réfugient dans une forêt de tamarugos, arbre endémique du Chili. La princesse prend alors les rênes de la troupe, décide de former une armée et de mettre à mort tout espagnol ou indien baptisé tombé entre leurs mains.
Elle devient alors connue sous le nom de la Tirana (tyran) de Tamarugal. Pendant quatre ans, la princesse et ses soldats ne laissent réchapper aucun européen passé par leur forêt… jusqu’à ce qu’ils capturent le portugais Vasco de Almeyda. La princesse en tombe amoureuse, le laisse en vie, et se laisse convaincre de se faire baptiser pour qu’ils puissent s’aimer éternellement. Alors qu’ils sont en pleine cérémonie de baptême, ses troupes les surprennent et les tuent.
Quelques années plus tard, Frère Antonio Rondon, missionnaire et évangélisateur, tombe nez à nez avec une croix dans l’une des clairières de la forêt. À cet endroit il décide de faire ériger une église, à laquelle il donne le nom de Notre-Dame du Carmen de la Tirana.
Cette région appartenait au Pérou avant la Guerre du Pacifique (1879-1884), et tirait sa richesse de l’exploitation du salpêtre. La Tirana, qui rend hommage justement à Notre Dame du Carmen, est très vite devenue l’une des fêtes majeures de la zone, à laquelle les ouvriers miniers participaient massivement, notamment en créant de nombreuses confréries de danse.
À la suite de la guerre, la région passe au Chili, et la célébration de la Tirana devient l’un des bastions de la chilenisation de la région. D’ailleurs, Notre-Dame du Carmen est devenue la sainte patronne de l’Armée chilienne.
Carnaval et fête religieuse
Mais la Tirana n’est pas devenue la plus grande fête folklorique et religieuse de la région par hasard. Ses multiples confréries de danseurs ont, depuis leur création, fait preuve d’une grande créativité et d’une grande fantaisie. Ainsi, elle est la seule où vous pouvez admirer la combinaison des danses traditionnelles et d’autres renouvelées chaque année. Entre bailes de paso (danses de pas, littéralement), et bailes de salto (danses de saut), costumes ultra-colorés de gitans, de peaux rouges, d’apaches, d’espagnols colonisateurs, de diables ; et des chorégraphies très hétérogènes vous ne saurez pas où donner de la tête.
Certains costumes, tout comme ceux de la Fête de la Candelaria à San Pedro, sont une parodie des espagnols colonisateurs : les chapeaux et bottes comme en portaient les femmes au XVIème siècle, associés à des mini-jupes en sont l’expression la plus frappante.
La musique, créée par des tambours, flûtes, trompettes et autres instruments, est influencée par les cultures andines du Pérou et de la Bolivie. Chaque moment de la célébration a une signification religieuse propre, révélée par des chants différents. Chants de joie et d’éblouissement à l’arrivée devant la Vierge, chants de demande de protection lors de l’adoration, et finalement, chants de douleur au départ.
Si l’impression générale est celle d’un carnaval, il ne faut pas oublier que son objectif principal est religieux : chaque confrérie possède sa propre vierge qu’elle emmène en procession jusqu’à l’église.
La célébration se déroule sur plusieurs jours, mais les deux points d’orgue restent les 12 coups de minuit du 15 juillet, lorsque les confréries dansent sur la place centrale du village, entourées de feux de joies et de feux d’artifice ; et la procession du 16 juillet qui parcourt le village décoré. Certains disent que c’est l’âme de la pampa, rebelle, meurtrie et contrastée, qui s’exprime dans cette explosion de couleurs et de musique.
La Fiesta se termine généralement avec une messe le 17 juillet, et des au-revoirs déchirants. Les danseurs promettent alors de revenir l’année suivante.
Si vous êtes au Chili dans ces eaux-là et que vous souhaitez passer quelques jours à la Tirana pour profiter de cette célébration unique au monde, consultez-nous !