Chili, le géant du cuivre
Saviez-vous que le Chili est le premier producteur et exportateur au monde de cuivre ? Pilier de l’économie du pays, le métal rouge est extrait dans le désert d’Atacama, notamment dans la gigantesque mine à ciel ouvert de Chuquicamata.
Un univers fascinant dont les voyageurs de passage peuvent s’approcher.
Quelle importance le cuivre a-t-il au Chili ?
Ce métal très convoité –l’un des tout premiers métaux qui ait été travaillé par l’homme– est utilisé dans le monde entier pour d’innombrables usages : des fils électriques aux instruments de musique en passant par les pièces de monnaie, le secteur de l’architecture, des transports ou de la tuyauterie.
Pilier de l’économie du pays, le cuivre est souvent considéré, dit-on, comme le « salaire du Chili ». Le pays est en effet le premier producteur de la planète (plus de 30 % de la production mondiale), devant les Etats-Unis, le Pérou ou encore la Chine : plus de 5,6 millions de tonnes de cuivre ont été extraites en 2013 au Chili.
L’activité minière représente aujourd’hui plus de 50 % de ses exportations et près de 20 % du Produit Intérieur Brut (PIB). L’exploitation du cuivre s’effectue dans le centre et surtout le nord du pays, dans le très aride désert d’Atacama. Le Chili disposerait de réserves équivalentes à deux cents ans d’exploitation.
La « fièvre de l’or rouge » ou du cuivre
Dès le XIXe siècle, de nombreuses mines de cuivre sont déjà exploitées de manière artisanale, avant que ne débute une véritable « fièvre de l’or rouge ».
L’issue de la guerre du Pacifique (1879-1884) a permis au Chili de posséder les régions du Nord les plus riches en nitrates, aux dépens de ses voisins bolivien et péruvien « grâce à la stratégie militaire d’Etat et le positionnement des capitaux britanniques alors dominants. Les investissements britanniques dominèrent l’exploitation des nitrates, et, à partir des années 1920, ce fut au tour des Etats-Unis de prendre le contrôle grâce à leur mainmise sur les grandes mines de cuivre. »1
Ainsi la fameuse mine de Chuquicamata (voir ci-dessous) a été exploitée dès les années 1910 par l’entreprise américaine Guggenheim Bros.
Nationalisation et essor considérable du cuivre au Chili
En 1971, le gouvernement du socialiste Salvador Allende nationalise les mines de cuivre, conformément à ses engagements de campagne. Un bouleversement qui sera à l’origine, des années plus tard, de la croissance économique du pays.
Après le putsch militaire, la dictature de Pinochet, aux orientations économiques pourtant néolibérales, ne remettra paradoxalement pas en cause totalement la nationalisation : si elle indemnise les compagnies privées, elle créé en 1976 la CODELCO (Compagnie nationale de gestion du développement des mines de cuivre du pays) et attribue une part directe des revenus du cuivre à l’armée (la loi sera abrogée en 2009).
L’évolution de l’exploitation du cuivre chilien a cependant pris seulement un essor considérable à partir de la fin des années 1980, du fait du retour des capitaux étrangers dans le pays « dans un contexte politique visant à rassurer les investisseurs ».
« En tenant compte du temps nécessaire entre l’identification d’un gisement et l’ouverture de la mine, ce n’est qu’à partir des années 1990 que l’on voit se développer les grands projets miniers rendus possibles par ces orientations politiques. »1
La méga-mine de cuivre d’Escondida
Ainsi la fameuse « mégamine » d’Escondida, à moins de 200 kilomètres d’Antofagasta, à plus de 3000 mètres d’altitude, –aujourd’hui la plus productive du Chili– a été ouverte en 1988 avant d’être exploitée seulement à partir de 1990. Elle est majoritairement la propriété de multinationales australienne (BHP Biliton) et anglaise (Rio Tinto).
Zoom sur la mine de cuivre de Chuquicamata
Au Chili, les mines sont exploitées de deux manières différentes : il existe des mines souterraines (comme celle d’El Teniente, la plus grande, avec plus de 2000 km de galeries) et des mines à ciel ouvert. Ces dernières, visibles à la surface, sont probablement les plus célèbres au monde, les plus photogéniques, car les plus gigantesques et spectaculaires.
Propriété de la Codelco, compagnie détenue à 100% par l’Etat, la mine de Chuquicamata, à proximité de la ville de Calama, est la plus grande mine à ciel ouvert du monde.
Fierté du pays, « Chuqui », comme on la surnomme familièrement, avait été exploitée avant la colonisation hispanique. Développée intensément dès la première moitié du XXe siècle, elle présente aujourd’hui un immense cratère elliptique de 8 km², profond jusqu’à près d’un kilomètre. Exploité sept jours sur sept, nuit et jour, ce gouffre spectaculaire emploie des milliers d’ouvriers, de mécaniciens, d’ingénieurs, pour produire plus de 600.000 tonnes de cuivre par an. Les mines sont creusées à l’explosif.
Des bus « touristiques », depuis Calama, permettent aux curieux d’approcher cette immense bouche ouverte noyée dans un nuage de poussière et animée par le va-et-vient des camions hauts comme des immeubles pouvant transporter quelque 3000 tonnes de minerai.
Le complexe minier, doté d’une raffinerie et d’une fonderie, est entouré de spectaculaires terrils, hauts comme des montagnes, qui viennent rompre la platitude du désert.
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Des défis environnementaux et humains liés à la mine
En 2010, le drame des 33 mineurs de San José (province de Copiapo), qui passèrent deux mois sous terre avant d’être secourus, a mis en lumière aux yeux du monde entier les carences en sécurité de certaines mines chiliennes. « Le contraste est total entre les grandes mines gérées par des géants du secteur, chiliens ou étrangers, et les mines « petites et moyennes » où ont péri la plupart des accidentés (31 en moyenne par an depuis quinze ans), analysait un journaliste du Monde en 2010. Ces dernières ne produisent que 60 000 tonnes de cuivre par an, soit environ 1 % de la production nationale ».
Des mines qui ne sont pas aux normes
Selon certaines sources, dans la région d’Antofagasta, 277 gisements sur 300 seraient exploités sans être aux normes en 2010. D’autre part, les conditions de travail pour les mineurs y sont extrêmement difficiles. Même si la plupart d’entre eux sont mieux rémunérés que la majorité des travailleurs du reste du pays (au point que certains parlent d’une « aristocratie ouvrière »), la spirale du cours du cuivre et la demande mondiale croissante imputable aux pays émergents ont conduit à augmenter la production et la charge de travail.
De multiples grèves ont éclaté ces dernières années, comme à Escondida, laissant entrevoir l’importance de la production de cuivre au Chili dans l’économie mondiale, en faisant augmenter son cours.
Les enjeux environnementaux sont également importants, ne serait-ce que par la demande en eau, supérieure aux réserves disponibles dans le désert d’Atacama.
La poussière engendrée par l’exploitation des gisements est aussi une sérieuse menace pour les habitants de la région, car elle contient une forte teneur en sulfate.
« Cet élément toxique se retrouve dans les nuages de poussière libérés par le ballet incessant des camions et par les explosions servant à détacher le minerai des parois du puits, analysait le photographe « écolo » Yann Arthus-Bertrand.
Les ouvriers respirent ces particules sulfurées à longueur de journée et, même s’ils n’ont pas le droit de travailler plus de trois ans dans la mine, ils prennent le risque d’être atteints plus tard d’un cancer des poumons. Les autres habitants de la région ne sont pas épargnés par cette pollution. On note un nombre élevé de maladies respiratoires dans la ville voisine de Chuquicamata. Dans les pays en développement, 500 000 personnes meurent chaque année du fait de la concentration élevée de particules en suspension et de dioxyde de soufre (SO2) dans l’atmosphère. »
1 Les entreprises minières dans la gouvernance territoriale au Chili, Institut de recherche et débat sur la gouvernance, Anne-Laure Amilhat Szary, 2009.
Vidéos sur le cuivre au Chili
– C’est Pas Sorcier sur le Cuivre
– Chuquicamata aérien
– Faut pas rêver – 1994
– Le Désert d’Atacama
Par Hugues Derouard