Les peuples indigènes du Chili

Evoquer les peuples indigènes du Chili revient bien souvent à réduire la question aux Mapuche, peuple emblématique d’une terre fière et sauvage.
C’est méconnaître la réalité d’un pays qui abritait une douzaine de nations aborigènes avant l’irruption des Européens au XVIe siècle.
Le Chili n’a malheureusement pas dérogé à la règle continentale, à savoir l’extermination implacable des autochtones au cours de cinq siècles de guerres, de massacres et de contaminations.
A l’heure actuelle, les populations indigènes ne représentent plus que 5% de la population totale.
Les unes ont maintenu vivaces leurs cultures et leurs traditions, tandis que pour d’autres l’extinction est actée ou en voie d’achèvement.

Voici une brève présentation de certaines d’entre-elles.

Les Mapuche au Chili

Ils constituent la communauté la plus importante, tant par son poids historique que par le nombre de ses membres (environ 500 000 à l’heure actuelle).

Ils se nomment eux-mêmes mapuche, nom composé des mots « mapu » (terre) et « che » (gens), soit littéralement « gens de la terre », ou « natifs ».

A l’arrivée des Espagnols en 1535, ils occupaient un territoire qui s’étend de la vallée de l’Aconcagua jusqu’à l’île de Chiloé, et étaient répartis en plusieurs sous-groupes géographiques : Picunches (gens du nord), Huilliches (gens du sud), Lelfunches (gens des vallées), Lafkenches (gens de la côte) …

Les groupes septentrionaux, qui se trouvaient sous la domination partielle des Incas, furent rapidement soumis par les conquistadors.
Les groupes qui se trouvaient plus au sud (et qui avaient déjà tenu tête aux Incas) opposèrent en revanche d’emblée une résistance farouche (guerriers redoutables, ils faisaient preuve d’une extrême habileté dans le maniement de l’arc, du javelot et du casse-tête).

Dès 1536, une bataille rangée oppose les Mapuche d’Araucanie (une région située au centre du Chili) aux troupes de Diego de Almagro, descendu depuis le Pérou pour mettre la main sur El Dorado1.

C’est le début d’une guerre de plus de 60 ans, qui se solde par l’établissement d’une frontière tacite entre les antagonistes : au nord du fleuve Biobío, les Espagnols, au sud, les Mapuche.
Le statu quo durera près de deux siècles, durant lesquels cette ligne de démarcation sera peu ou prou respectée.

Mais la consolidation de la colonie espagnole, puis de l’Etat chilien (après l’indépendance de 1818), remet en marche le rouleau compresseur animé par la convoitise.

En 1861, le gouvernement chilien lance l’opération de « pacification de l’Araucanie ». En fait de pacification, on procède militairement à l’expropriation à grande échelle des terres sur lesquelles vivent les Mapuche en vue d’en faire le « grenier » du pays : les territoires de chasse et d’horticulture (les deux principales ressources des Mapuche) se convertissent en haciendas où l’on pratique l’agriculture intensive.

Les Mapuche sont cette fois impuissants à endiguer l’avancée des colons. Sur le modèle nord-américain ils sont cantonnés dans des réserves ou se dissolvent dans la population.

Marginalisés et acculturés, victimes de discrimination raciale et sociale, ils subissent un véritable bouleversement culturel et social.
Celui-ci se traduit notamment par un important exode rural (en particulier chez les jeunes), de telle sorte que les Mapuche sont aujourd’hui principalement urbains, même s’ils conservent un lien fort avec leur communauté d’origine.

La réaction mapuche est relativement récente.
Elle s’exprime tout d’abord au plan judiciaire, par une revendication territoriale.
Appuyée par la « loi indigène » de 1993 (qui vise à protéger les terres et les ressources des peuples autochtones) elle a abouti à la récupération de certaines des terres ancestrales des Mapuche.
Mais ce chemin promet d’être long et ardu.
D’une part, car les moyens financiers mis à disposition de la CONADI (organisme né en même temps que la loi pour sa mise en application) sont insuffisants au regard des territoires contestés.
D’autre part car la loi indigène est d’une portée limitée, toutes les autres lois (celles sur la pêche, la mine, l’électricité …) prévalant sur ce texte.
Enfin car il manque à la protestation des Mapuches la voix d’un leader unique et charismatique pour la porter haut.

La réponse des Mapuche est également d’ordre entrepreneurial : depuis quelques années, certaines communautés ont développé des programmes d’ethno-tourisme2 qui permettent de découvrir et partager un mode de vie séculaire.
La culture mapuche, de transmission orale, est basée sur le admapu, un ensemble de traditions, de lois et de normes qui régissent la vie sociale et religieuse.

Elle se perpétue notamment à travers une langue (le mapudungun), un artisanat (notamment textile), des musiques et des chants.

Si vous êtes du côté de Pucón (Région des Lacs et des Volcans), n’hésitez pas à aller rendre visite à la communauté de Quelhue. C’est l’occasion pour vous d’en apprendre davantage sur les traditions et coutumes mapuches, d’être en contact direct avec certains de leurs membres, et de les aider à augmenter leurs revenus !
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Les Aymaras, Bolivie et Pérou

Descendants des Tiwanakotas, qui dominèrent l’altiplano autour du lac Titicaca, ils se distinguent par une langue commune (l’aymara).
On recense 50 000 Aymaras vivant dans le nord-est du pays, à la frontière avec la Bolivie et le Pérou.

Les Quechuas des Andes chiliennes

Ils partagent eux aussi une langue (le quechua) qui était l’idiome officiel et diplomatique des Incas (même si l’aymara était sans doute la langue vernaculaire de l’empire).
Les communautés quechuas du Chili sont ultra minoritaires (environ 6 000 personnes) et se trouvent quasi exclusivement sur la commune d’Ollague, à la frontière bolivienne, dans l’extrême nord-est du pays.

Les Kollas

On suppose qu’ils furent chassés par les Incas des rives du lac Titicaca, pour se réfugier dans les replis des Andes, à la frontière avec la Bolivie et l’Argentine.
Ils n’ont pas de langue propre, et parlent aymara ou quechua.

Les Atacameños

Ils parlent le kunza, et se nomment eux-mêmes Lican Antay (soit « les habitants du territoire »).
Ils restent présents dans la région de l’Atacama où 21 000 membres sont recensés.

Les Diaguitas

Diaguita est la dénomination quechua, propagée ultérieurement par les Espagnols, d’un ensemble de peuples indépendants ayant une langue commune, le kakán ou kakan. Eux-mêmes se dénommaient Pazioca ou Paccioca.
Etablis dans les vallées du « petit nord » du Chili, ils ont probablement complètement disparu, même si le gouvernement reconnaît officiellement leur existence.

Les peuples de Patagonie chilienne

Quatre grands groupes indigènes occupaient l’extrême sud du continent. Aucun n’a résisté à la colonisation, et ils sont désormais tous éteints malgré des efforts (trop récents et insuffisants) pour les protéger et préserver leur mode de vie.

* Les Aónikenks (ou Tehuelches) : chasseurs-cueilleurs établis le long de la frontière entre l’Argentine et le Chili.

* Les Kawésqars (ou Alakalufs) : pêcheurs nomades, ils vivaient à bord de canoës entre le littoral et les innombrables îles qui le bordent.

* Les Yagans (ou Yámanas) : pêcheurs nomades eux aussi, ils résidaient plus au sud du territoire des Kawésqars, dans et autour de la Terre de Feu3.

* Les Selk’nams (ou Onas) : chasseurs-cueilleurs, ils occupaient la grande île de la Terre de Feu.

Les Rapanuis

Il s’agit de l’ethnie vivant sur l’île de Pâques (possession chilienne depuis 1888), dont la langue est le rapanui, et l’écriture le rongorongo.
Ils sont les successeurs des premiers Pascuans, qui ont érigé les moaï, monumentales statues de pierre qui ont fait la célébrité de l’île et lui doivent (notamment) d’avoir été inscrite au patrimoine de l’humanité par l’Unesco.
Après la quasi extinction des premiers pascuans (effet combiné de possibles luttes tribales, des déportations opérées par les marchands d’esclaves, et des maladies introduites par les Européens), les colons (notamment français) firent venir des Polynésiens de l’île de Rapa pour subvenir à leurs besoins de main d’oeuvre.

On recense aujourd’hui près de 4.000 habitants, dont la majorité font partie de l’un des douze clans qui subsistent, et qui s’efforcent de maintenir vivantes les traditions pascuanes (notamment à l’occasion du Tapati Rapa Nui, festival ressuscité en 1968, et depuis organisé chaque année entre janvier et février).

Quel avenir ?

Il aura fallu des siècles pour que le gouvernement chilien cesse de considérer les populations indigènes comme quantité négligeable.
La loi de 1993 marque un véritable point de rupture, mais elle ne constitue qu’un premier pas en vue d’une réhabilitation pleine et entière de communautés spoliées et ostracisées.

L’ethno-tourisme, par son approche responsable, constitue une autre voie.
En valorisant ce qui fut longtemps proscrit et interdit (la pratique et la transmission de coutumes millénaires), il encourage les jeunes générations à renouer avec leur passé, pour l’inscrire dans la modernité du Chili.

Pour en voir et en savoir plus les hispanophones pourront consulter cette vidéo pédagogique assez complète ( à droite —>).


1 Nombre d’historiens pensent que l’un des motifs du voyage d’Almagro au Chili était la rumeur de l’existence, au sud de l’empire inca, d’un royaume beaucoup plus riche, nommé « El Dorado » (le royaume d’or).
Selon ces mêmes historiens, ces rumeurs pourraient avoir été créées par les Incas dans le but d’éloigner les conquistadors et permettre ainsi une rébellion des indigènes.

2 On peut réaliser ces programmes d’ethno-tourisme dans la région d’Araucanie (capitale Temuco) où des communautés mapuches se sont maintenues et perpétuent le mode de vie traditionnel.

3 Ce sont d’ailleurs les indigènes qui ont contribué au baptême de la Terre de Feu : ce sont leurs foyers, visibles depuis les vaisseaux de Magellan et de ses compagnons d’expédition lorsqu’ils découvrirent le détroit en 1520, qui leur inspirèrent ce nom imagé.