Gabriela Mistrale, Professeure et Poète

Gabriela Mistral est l’une des plus remarquables poètes du Chili et de la littérature latino-américaine. Elle est considérée comme l’une des figures marquantes de la poésie féminine universelle et est aussi la première latino-américaine a avoir gagné en 1945 le prix Nobel de littérature.

Lucila Godoy Alcayaga, plus connue sous le nom de Gabriela Mistral, est née à Vicuña d’une mère couturière, Petronila Alcayaga Rojas, et d’un père professeur, Juan Jerónimo Godoy Villanueva. Les jours suivant sa naissance, sa famille déménagea à Pisco Elqui. Trois ans plus tard, son père les abandonna, elle et sa mère déménagèrent dans une petite ville de la vallée d’Elqui, Montegrande, où vivait sa demi-sœur, Emelin da Molina.

L’influence de sa sœur a été déterminante dans sa décision de se tourner vers l’enseignement, axant sa pensée pédagogique sur le développement et la protection des enfants. Sa carrière en tant qu’enseignante commença très tôt. En effet, dès ses 15 ans, en 1904, elle était déjà engagée comme assistante professeur à la Escuela de la Compañia Baja. Son entrée à la Escuela Normal de Preceptoras de La Serena fut compromise en raison de la suspicion qu’ont suscitée certains de ses poèmes dans un milieu local très conservateur, qui considérait ses œuvres comme « païennes » et « libérales ».

En 1906, elle tomba amoureuse d’un modeste employé du chemin de fer, Romelio Ureta, qui, pour des raisons inconnues, se suicida peu de temps après. C’est de l’énorme choc qui a causé cette perte que sont issus ses premiers versets importants.

En 1910, elle s’installa à Santiago, et travailla à la Escuela de Barranca et passa les examens spéciaux à la Escuela Normal de Preceptoras. A partir de là, elle commença à travailler dans différentes écoles à travers tout le pays, notamment dans les villes de Traiguén, Punta Arenas, Antofagasta et Temuco. Dans cette dernière, elle rencontra le jeune Neftali Reyes Basoalto (Pablo Neruda), qu’elle initia à la littérature russe.

Ses progrès dans sa profession d’enseignante l’amenèrent, en parallèle, à développer sa poésie. Les journaux régionaux de La Serena (Le Coquimbo), d’Ovalle et de Vicuña (La Voz del Elqui) publièrent ses premiers écrits, parmi lesquels « Le pardon de la victime », « Mort du poète », « Larmes de l’orphelin « , » Impossible Love « et » Heures sombres « , publiés entre août 1904 et septembre 1910.

En 1908, ses travaux firent l’objet d’une première étude réalisée par Luis Carlos Soto Ayala, qui compila différentes oeuvres en prose dans la revue « Littératura Coquimbana » telles que « Rêveries » et « Lettre Intime ». Pendant son séjour à Coquimbito, elle composa aussi les fameux « Sonnets de la mort », une œuvre pour laquelle, en septembre 1914, elle remporta la plus haute distinction du concours littéraire Juegos Florales.

En Juin 1922, elle partit pour le Mexique, invitée par le ministre de l’Éducation et par le poète mexicain José Vasconcelos, pour collaborer à la réforme éducative et à la création de bibliothèques publiques dans le pays. Elle y fonda aussi une école qui porte encore son nom, et dans la même période, composa des poèmes pour enfants (Rondas de niños, 1923) commandés par le ministre mexicain de l’Instruction publique.

C’est aussi cette année-là que parut à New York « Desolación » sous l’égide de l’Institut des Espagnes, dirigée par le critique littéraire espagnol Federico de Onis. C’est à partir de cette publication que Gabriela Mistral acquit une reconnaissance internationale et fut considérée comme l’une des femmes les plus prometteuses de la littérature latino-américaine.

Cela marquera aussi le début d’une série de publications de ses oeuvres dans les pays étrangers. Au Mexique, « Lecturas para mujeres  » sera édité en 1923 et un an plus tard « Ternura  » sera publié en Espagne.

Dans les années 1930, Gabriela Mistral donna de nombreuses conférences et cours aux États-Unis, en Amérique centrale ainsi qu’en Europe. En 1932, elle commença sa carrière en tant que consul à Gênes, en Italie, mais ne prit jamais ses fonctions parce qu’elle s’est déclarée ouvertement opposée au fascisme. En 1938, elle retourna en Amérique latine, couronnant son retour avec la publication de Tala, édité à Buenos Aires, à la demande de son amie Victoria Ocampo. Plus tard, elle retourna aux États-Unis.

À la fin des années 1930, les cercles littéraires de différents pays ont commencé à encourager la candidature Gabriela Mistral pour le prix Nobel de littérature. Le Président Pedro Aguirre Cerda et l’écrivaine équatorienne Velasco Adelaide Galdos y ont participé, notamment à travers la traduction de ses œuvres.

Concernant sa vie personnelle, la poètesse a vécu des épisodes tragiques. En 1942, alors qu’elle vivait dans la ville de Petrópolis, au Brésil, deux de ses amis, Stefan Zweig et sa femme, tous deux juifs ayant fui la persécution nazie, se sont suicidés. Un an plus tard, en 1943, elle reçut un coup encore plus douloureux lorsque son neveu Juan Miguel décida également de se tuer.

En 1951, après la consécration du Prix Nobel obtenu en 1945, elle reçut du Chili le Prix National de Littérature.

En 1954, un autre prix l’a encensée au niveau national avec la sortie du recueil « Lagar« , première compilation de la totalité de son œuvre, qui sera publié au Chili avant de l’être à l’étranger.

Le 10 Janvier 1957, après avoir souffert et s’être longuement battue contre un cancer du pancréas, Gabriela Mistral décéda à l’hôpital de Hemsptead à New York. Elle reçut les hommages de l’ensemble du peuple chilien, l’Etat déclarant trois jours de deuil officiel. A travers tout le continent et dans la plupart des pays du monde, des hommages émouvants lui ont été rendus.

Plutôt moderniste à ses débuts, sa poésie a rapidement pris un tour plus personnel, utilisant un langage familier et simple, couplée d’une grande musicalité ; et des symbole liés à l’imaginaire des traditions populaires. Dans ses œuvres, elle tourne autour de la souffrance ou la frustration de la maternité, ainsi que des préoccupations religieuses et sociales qui répondaient à son idéologie chrétienne et socialiste.

Des ouvrages ont paru à titre posthume, tirés de ses proses, rondes, chants, prières, et poèmes tels que « Motivos  » de San Francisco en 1965, «  Poema de Chile » en 1967 et « Lagar II », entre autres. Les archives des écrivains de la Bibliothèque nationale du Chili possèdent maintenant la plus importante ressource documentaire dédiée à l’héritage de Gabriela Mistral, composée de 563 pièces, comprenant des manuscrits, correspondances, photographies et autres documents privés.